Edouard et Jérome Sauer

KS casse la baraque

D’une PME familiale de gros œuvre à une ETI générale de construction et d’immobilier, KS Groupe a su rajouter des briques à son activité originelle pour tirer son épingle du jeu. Rencontre d’un de ses deux directeurs généraux, troisième génération de cette famille de bâtisseurs alsaciens : Jérôme Sauer.

L’entreprise existe depuis plus de 60 ans, aujourd’hui vous comptez 420 salariés et réalisez près de 110 millions de CA, pour croître de cette manière-là et aussi vite, quel a été votre secret ? Et la décision stratégique la plus marquante ?

À l’origine, nous étions une entreprise de gros œuvre. Au début des années 90 nous nous sommes développés en devenant une entreprise générale du bâtiment. Nous sommes le contractant unique de notre client et avons une responsabilité totale sur le chantier.
À la fin des années 90, nous avons progressivement intégré des expertises connexes à celles déjà présentes au sein de l’entreprise.
L’idée de cette ouverture est de toujours aller plus loin dans l’accompagnement du client et produire, mais également de concevoir nous-mêmes l’intégralité du bâtiment.

KS groupe est une entreprise familiale, pouvez-vous nous dire ce que ça apporte à l’entreprise, ce que cela change, et si cela va pouvoir continuer… ?

C’est notre grand-père qui a créé l’entreprise. Assez naturellement, notre père l’a ensuite reprise, et mon frère et moi sommes ensuite arrivés dans l’histoire. Tout s’est fait de manière assez fluide, en souplesse. Il n’y a pas eu de transmission radicale. Notre père est d’ailleurs encore présent, il nous donne son conseil, ses avis, son expertise et continue à œuvrer dans la stratégie générale du groupe et les aspects liés aux développements du groupe.
Nous nous partageons avec mon frère la direction du groupe, Édouard a une appétence plus forte pour le développement commercial du groupe, quant à moi je suis plus dans le management, la gestion et le développement.
Nous avons tous les deux le même parcours : école d’ingénieur puis entrée dans le groupe avec un passage par différents services pour comprendre l’entreprise le mieux possible.
Ce qui nous différencie de nos concurrents, c’est probablement cette fluidité dans la communication et dans les process de décision grâce à notre dimension humaine. Et contrairement à des entreprises qui raisonnent plus sur le court terme, nous cultivons la vision long-termiste, en gardant nos valeurs et notre image de cohérence et de simplicité. Chez KS groupe, l’Homme reste au cœur de nos préoccupations, nous valorisons les savoir-faire et mettons tout en œuvre pour préserver une confiance réciproque avec nos collaborateurs.

Que signifie être un « groupe indépendant » dans les faits, et en quoi cela change-t-il le quotidien ?

Notre autonomie se mesure au quotidien. Nous n’avons pas de comptes à rendre, hormis envers nos salariés. Cela nous permet d’avoir l’esprit libre de nombreuses préoccupations… Pas de reporting et de process trop lourds, c’est un gros atout au quotidien : plus de rapidité, plus de souplesse.
Mais travailler en famille et garder cette autonomie ne veut pas dire rester en vase-clos. Nous accordons donc beaucoup de confiance, de responsabilités et d’autonomie à nos directeurs pour décentraliser notre pouvoir de décision et déléguer.

En quoi votre ancrage local dans le Grand Est vous définit ? 

La quasi-totalité de nos salariés/sous-traitants/fournisseurs sont issus du Grand Est, et cela depuis trois générations. Nous avons ainsi pu réaliser depuis plus d’un ½ siècle bon nombre d’ouvrages représentatifs, qui font référence dans le Grand Est.
On bénéficie de l’image et de la bonne réputation de cette région. De la rigueur, du sérieux, le respect des engagements, c’est un réel atout pour notre développement.

Quels ont été vos derniers challenges ? Et les prochains ?

Nos derniers challenges sont d’ordre technique, d’une part, avec des réalisations telles que l’usine Alpro, la réalisation (en cours) du nouveau site de production de la Maison de Champagne Pol Roger, ou encore la restructuration de l’emblématique Maison du Bâtiment à Strasbourg… D’autre part, le challenge est d’ordre organisationnel/humain en poursuivant la transformation d’une PME à management très centralisé, à une ETI plus structurée.
Nous œuvrons également pour accélérer le développement extrarégional, qu’il soit francilien, dans le sud et à l’International.
Enfin, nous travaillons à deux axes plus techniques :

  • La confirmation de notre savoir-faire dans les restructurations lourdes et complexes,
  • La conception et la réalisation d’industries à grande valeur ajoutée : développer une usine la plus efficace possible

L’objectif de tout cela, c’est vraiment de l’élargir notre champ d’action chez le client, de passer de la production à l’ingénierie.

On parle beaucoup de start-ups, de grands groupes, et très peu d’ETI… Pourquoi selon vous ?

On en a besoin pourtant ! C’est vrai que les médias n’en parlent pas. D’ailleurs, le grand public ne connaît même pas ce mot ! Peut-être que cela n’est pas assez vendeur, les gens préfèrent parler d’innovation, ou de très gros chiffres…
Alors que ce que les ETI vendent, c’est du long terme, de la rigueur, des valeurs…
Ce dont nous sommes fiers également, ce sont nos collaborateurs. Notre personnel est assez fidèle dans l’ensemble ! Contrairement à beaucoup de start-ups et certains grands groupes, nous assurons une vraie stabilité. Et nous sommes heureux de contribuer à développer notre pays, sur le volet emploi notamment.

Quelle règle aimeriez-vous voir changer ?

Plus qu’une règle, nous avons un vrai challenge à relever, c’est le développement de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, nous aimerions bien que l’État nous accompagne un peu plus sur la marche à suivre sur ces sujets : soit en nous simplifiant certaines règles, soit en nous les expliquant davantage. Car cela peut vite être démotivant si la démarche est trop lourde et chère.

Un conseil à donner pour un entrepreneur de PME qui croît ? Y a-t-il des étapes à ne pas rater et/ou des choses indispensables à savoir ou à faire ?

La base de tout est évidemment d’avoir un produit de qualité et de bien savoir le vendre…
Ensuite la patience est mère de toutes les vertus. Mais il faut également savoir être réactif, prendre des risques et saisir les opportunités qui se présentent. Faire les bons choix ! Subtil mélange d’analyse fine et de feeling…
Une autre qualité importante, c’est d’être un bon trésorier : avoir de la visibilité sur ses finances, et trouver les solutions le cas échéant.
Il est ensuite nécessaire de pouvoir compter sur des services supports efficaces : experts et réactifs.
Enfin, il est important de réussir à décentraliser son management dès que la taille le nécessite !

Source : Objectif ETI – 28 novembre 2019