Christian Robischon | le 18/06/2021
Géotechnique –
L’extension du site des champagnes Pol Roger à Epernay a nécessité de conforter des galeries en craie supportant de lourdes charges.
Le champagne est une valeur sûre de l’art de vivre à la française. Mais il s’élabore sur une base géologique fragile : la craie, caractéristique de son terroir, connaît de temps en temps un coup de mou. Pol Roger, l’un des fleurons des maisons indépendantes, en sait quelque chose : le sol de son site d’Epernay (Marne) s’était spectaculairement affaissé en 1900. Y bâtir sa nouvelle extension, dont 4 000 m2 de cour technique appelée à recevoir les lourdes charges de l’activité de production, semblait donc un pari ambitieux. Chaque mètre carré doit pouvoir supporter jusqu’à 5 t. L’entreprise a pourtant fait ce choix, préférant s’étendre sur son lieu de naissance en cœur de ville plutôt que de s’installer en périphérie.
©CICAL Synergies
Micropieux dans les zones les plus fragiles. Dans ce projet, confié à l’alsacien Cical Synergies qui compte le constructeur KS groupe à son capital, le recours à des fondations spéciales s’imposait. Elles sont de trois types différents, en fonction du degré de fractionnement de la craie et de la proximité des caves. Jusqu’à – 30 m, soit 5 m plus bas que les caves existantes, des pieux ont été mis en place à la tarière. « Dans les zones plus sensibles, ils ont laissé place à des pieux forés tubés qui descendent jusqu’à – 40 m. Enfin, dans les secteurs encore plus fragiles, nous avons opté pour des micropieux qui consomment un minimum d’emprise au sol grâce à leur diamètre réduit à 20 cm environ », détaille Matthieu Fritz, cogérant de Cical Synergies.
©CICAL Synergies
La pose de pieux sur de telles longueurs a été compliquée par la « géographie » du sous-sol, constituée d’un enchevêtrement de 9 km de galeries. « L’espace de séparation entre deux pieds de voûte se limitait par endroits à 2 m. Y descendre des pieux droits de 1 m de diamètre a requis une grande précision d’exécution, répétée inlassablement puisque 250 éléments ont dû être mis en place dans ces conditions », souligne Matthieu Fritz. Le scanner laser a constitué un allié décisif pour surmonter l’obstacle des informations parcellaires d’origine : les anciens plans en support papier ne restituent qu’imparfaitement le réseau de galeries.
Un relevé géotechnique détaillé a complété les données, de même que deux nuages de points : l’un réalisé dans les galeries, l’autre sur les surfaces extérieures, à l’aide d’un drone. L’ensemble produit un modèle numérique complet du site. « La superposition de données permet de repérer chaque zone de conflits de façon à garantir l’implantation sans heurts des fondations spéciales dans un environnement si contraint », explique le responsable de Cical Synergies.
©CICAL Synergies
Parois parisiennes. Les importantes charges à appliquer ont aussi entraîné différentes mesures de renforcement des parois existantes, inspirées de celles qui sont mises en œuvre lors de chantiers en surface. Une géomembrane armée et instrumentée a été appliquée afin de compenser les tassements du sol. Au niveau des parois elles-mêmes, des tirants d’ancrage de 5 à 7 m de long reprennent les efforts longitudinaux. Ces parois incorporent des profilés métalliques de maintien des ouvrages existants. Elles sont posées à la parisienne, avec un réseau de pieux forés jusqu’à la cote définitive qui forment le support d’un voile en béton armé projeté, réalisé par passes successives. Cette méthode a imposé un phasage précis entre les opérations de forage de pieux, de terrassement, de ferraillage et de projection du béton.
Maîtrise d’ouvrage : Pol Roger.
Maîtrise d’œuvre : Giovanni Pace (architecte), Serue Ingénierie (BET structure), Cical Ingénierie (ingénierie process).
Entreprises : Cical Synergies (contractant général), KS construction (gros œuvre), Soletanche Bachy (fondations spéciales).
Bureau de contrôle et coordination SPS : Qualiconsult.
Surface : 20 000 m2 SP.
Montant d’opération : 40 millions d’euros.
Calendrier travaux : début 2020-fin 2022.